Rien que pour l’AB, le duo bruxello-rotterdamois formé par Jens Bouttery et Lennart Heyndels a pris le nom de Hi Hawaii & The Extensions. Le 14 avril, ils se produiront dans la grande salle sous forme d’octuor, accompagnés de 3 instruments à vent et 3 instruments à cordes. Ce concert sera présenté en live streaming sur la page Facebook de l’AB.
Nous connaissons déjà le multi-instrumente Jens Bouttery de ses collaborations avec Jef Neve et de ses compositions pour plusieurs films et troupes de théâtre. S’il réside actuellement à Rotterdam, il a habité quatorze ans à Bruxelles et entretient avec cette ville un lien indestructible – comme en témoigne le morceau ‘Bruxelles’ sur The List, premier opus de Hi Hawaii. Bouttery nous parle de ce nouvel album, des textes riches en associations, de la naissance des Extensions et des décisions créatives du duo.
Vous avez déjà répété pour votre concert dans notre salle. Comment cela s’est-il passé ?
« La répétition à l’AB était vraiment très sympa. C’était la première fois qu’on jouait en live avec The Extensions, donc on était curieux, mais ça devait marcher. D’ailleurs, on ne jouait pas avec le même line-up que celui de l’album. Le groupe se compose surtout de personnes qu’on connaît de la scène bruxelloise. »
Qu’attendez-vous du live stream ?
« On est heureux qu’il s’agisse vraiment d’un ‘live’ stream, car on est grands fans de ce format. Après tout, un événement live dégage une certaine énergie. L’idée que les gens se tiendront prêts à regarder notre concert au même moment… ça nous rend un peu nerveux, ce qui est bon signe. On n’a pas peur de faire des erreurs – les erreurs, on peut les exploiter en live. On a composé notre musique de façon à pouvoir improviser par moments. Avec Lennart, on a l’habitude de naviguer entre les chansons, et les instruments à vent et à cordes commencent à bien nous suivre. »
« Le groupe est composé d’amis de la scène bruxelloise, ce sont tous des musiciens professionnels. On a deux sections, une section de trois cordes et une section de trois instruments à vent. Mais on veut aussi qu’ils essaient de nouvelles choses, et c’est pourquoi on leur confie parfois les chœurs ; il arrive aussi que certains cuivres jouent de la flûte. Ça crée quelque chose de rafraîchissant, pour nous et pour les musiciens. »
Le public vous manque-t-il ?
« Oui. La répétition a été un peu rude. La salle a tellement de potentiel, de résonance… Et sans public, ça fait tout de suite plus nu. D’où le choix d’une disposition où on se fait face sur scène ; ainsi, chacun est le public de l’autre. On espère que cette disposition créera une proximité avec les spectateurs et qu’ils sentiront que nous sommes vraiment en pleine communication. »
Avez-vous un lien avec l’AB ?
« Je me suis déjà produit quelques fois à l’AB en tant que musicien, avec Jef Neve. Je me rappelle surtout à quel point j’aimais la cuisine de l’AB. Et c’était aussi un vrai plaisir d’y jouer, l’ambiance est tout simplement excellente. En tant que Hi Hawaii, on a déjà assuré la première partie d’un groupe dans la grande salle, et le public était vraiment au rendez-vous. À un certain moment, on était en train de scander le nom de notre groupe avec le public. Je me suis mis à compter jusqu’à trois et, tout à coup, quelqu’un a crié : ‘Fuck Jambon !’ »
Les vidéos de Hi Hawaii sont de grande qualité. Est-ce important pour vous ?
« Oui, on accorde une assez grande importance aux vidéos. L’idée de base vient toujours de nous ; ensuite, on choisit des collaborateurs et puis l’idée évolue. L’enregistrement de la vidéo de ‘Saturday’ a demandé beaucoup de travail, les préparatifs ressemblaient plus à du travail de bureau logistique. Quant à la régie, elle a été confiée à Suze Milius. Pour ‘Bruxelles’, on a choisi une artiste plasticienne, Lisa Gambey, qui était parfaite pour le job. Elle a créé un univers comme vous n’en avez jamais vu dans une vidéo. On prépare aussi un nouveau clip pour ‘Solutions’, pour lequel nous avons fait appel au créateur de films d’animation Victor Van Rossem. »
Qu’avez-vous avec les listes ?
« On a choisi ‘The List’ comme titre de l’album parce que bon nombre de nos chansons sont des énumérations. Les listes, c’est notre façon de réfléchir par association d’idées. On fait une sorte de ‘promenade de pensées’ dans notre esprit. Dans ‘Bruxelles’, il s’agit même littéralement d’une promenade accélérée à travers la ville. J’ai habité quatorze ans à Bruxelles, de Forest à Molenbeek. Pourtant, j’ai fini le morceau ‘Bruxelles’ à Rotterdam. La balade dans Molenbeek s’est avérée plus facile à distance, les souvenirs semblent venir plus facilement comme ça. »
Y a-t-il aussi un sens caché derrière la main à six doigts ?
« Oui. En réalité, notre logo représente le sixième doigt qu’on aimerait avoir, car on joue de tellement d’instruments. On se met un peu en galère avec ça : on imagine des compos avec toutes sortes de sonorités, alors qu’on n’est que deux, évidemment… On veut faire tant de choses à la fois, parfois jusqu’au craquage. Ça fait mal aux méninges, mais c’est aussi très sympa, car les échecs ont une dimension humaine fascinante. Et quand on travaille sur plusieurs fronts à la fois, une erreur est plus vite arrivée. »
Comment l’humour et la musique se conjuguent-ils, d’après vous ?
« L’humour et l’ironie font partie de notre langage, mais on prend notre humour très au sérieux. L’autorelativisation est importante pour nous. En fait, nos textes révèlent quelque chose de plus profond, une réalité et parfois même une crise existentielle. Je laisse l’auditeur libre de le découvrir. Pour certaines personnes, l’humour en musique a quelque chose de rebutant. Mais nos textes sont tout simplement très honnêtes, très sincères, et on ne veut pas mâcher nos mots. Cela dit, Lennart et moi avons tous les deux un esprit très positif, et ça se traduit dans notre son. On pourrait dire qu’on fait de la ‘happy pop’ avec un zeste de tragicomédie existentielle. »
Interview par Lara Decrae
Photos: Lien Peters